cutting open old scars / morgan

I never really feel a thing, I'm just kinda too froze, you were the only one that even kinda came close. I just pinch myself, no longer comatose. I woke up, no luck

@morgan chambers

A peine a-t-elle posé un pied dans le commissariat que le capitaine lui fait signe de le rejoindre dans son bureau, et elle regrette instantanément sa décision de sortir du lit, ce matin. Elle sent venir les réprimandes au sujet de Dieu sait quoi, ou peut-être des incohérences dans un dossier, ou bien une énième arrestation de l'un de ses frangins (bref, rien de réjouissant) et un soupir franchit ses lèvres tandis que, bien malgré elle, son cœur s'affole. Elle laisse tomber son sac sur son bureau en passant et, café à la main, franchit la porte. C'est là qu'elle s'aperçoit, enfin, qu'ils ne sont pas seuls, et son regard se perd un seconde de trop dans celui de l'homme qui s'est levé en la voyant entrer. Inexpressive, tout se produit à l'intérieur, sous son crâne, les méninges s'activant, cherchant à comprendre ce qu'il peut bien faire ici. Dans sa cage thoracique, le cœur loupant un battement de surprise. « Lieutenant Moïra Coghlan, je vous présente l'agent Morgan Chambers, FBI. » Les présentations interrompent le cours de ses pensées, la confusion se dissipe et, machinalement, elle tend la main, comme une parfaite inconnue, un sourire poli étirant à peine ses lèvres.  Ils ne sont pas à un mensonge près sur la nature de leur relation, se dit-elle, pour justifier la froideur dont elle fait preuve. Elle s'assoit, évitant le regard de Morgan, qu'elle imagine surpris, se concentrant sur le capitaine qui explique avec une pointe d'exaspération ce qui amène les fédéraux chez eux. Dans d'autres circonstances, elle partagerait sans doute la frustration de son supérieur, mais elle est bien trop occupée à espérer que les choses iront vite et qu'il n'aura finalement pas besoin d'elle. Le fait est qu'elle ne s'attendait certainement pas à le voir ici, et cela fait bien plus mal qu'elle ne l'imaginait. She's over him, après plus de cinq ans, elle n'a plus de sentiment, les morceaux éparpillés de son cœur se sont rassemblés, mais elle ne digère toujours pas la façon dont les choses se sont terminées. Elle a tellement l'habitude d'avoir le contrôle, Mo, se laisser aller auprès de lui, se laisser ressentir, se montrer vulnérable, c'était nouveau, et elle aurait très bien pu y prendre goût, s'il n'avait pas fallu coupler cela à des tas de mensonges et de secrets. Ils étaient voués à imploser, elle croit bien l'avoir toujours su, mais cela n'a en rien facilité la séparation. Et elle n'est pas du genre à s'épancher sur ses sentiments, mais pouvoir en parler, ne serait-ce qu'une fois, à qui que ce soit, lui aurait sans doute fait le plus grand bien. Au lieu de cela, elle n'a eu qu'à ravaler peine et colère, et à faire bonne figure, parce que son frère en est bien trop proche. Du jour au lendemain, ils n'étaient plus rien, et il a fallu faire avec, comme si de rien n'était, alors oui, encore aujourd'hui, Moïra, elle se prépare mentalement, avant de le voir, cela lui permet un semblant de maîtrise, une impression de contrôle. « Je vous laisse travailler. Les dossiers sont déjà sur votre bureau, lieutenant. Je vous fais confiance pour mettre à l'aise notre invité. » Elle a un rire bref, plus proche du ricanement, bien consciente du sarcasme caché sous les politesses. Parce que tout le monde sait qu'elle n'est pas chaleureuse, la Mo, et, si elle ne le connaissait pas, Morgan, elle l'aurait déjà malmené, FBI ou pas. Nul besoin de se répéter, elle se lève vivement, salue le capitaine d'un signe de tête et ouvre la marche, attrapant un second siège qu'elle cale à côté du sien, face à son ordinateur. « Alors, tu me piques mon affaire ? », se décide-t-elle enfin à articuler, familière, comme si elle ne venait pas d'agir comme si elle ne l'avait jamais vu de sa vie, comme si sa présence ne la dérangeait pas, comme s'il ne la perturbait pas le moins du monde, alors qu'elle s'est assise aussi loin que le permet l'étroitesse de l'équipement. Il est bien le seul à pouvoir la rendre à ce point agitée, elle ne sait jamais comme agir lorsqu'ils sont seuls et mentir... Mentir, c'est une seconde nature, c'est donc ce pour quoi elle opte, les faux-semblants, les sourires, et cette distance assidûment imposée.

@morgan chambers

Elle a oublié, Mo, à quel point il la connaît. Il décèle sans peine les indices qu'elle s'efforce de cacher, le poisson qu'elle tente de noyer depuis que leurs regards se sont recroisés. Elle oublie, parfois, qu'elle ne peut pas simplement l'embobiner comme elle le fait si bien avec tous les autres, flics ou fbi, suspects, témoins, civils (et, lorsque les mensonges ne prennent pas, la magie de son patronyme prend sans peine la relève). A vrai dire, elle s'est laissée oublier, s'y est un temps forcée, faute de mieux, faute de pouvoir en parler, faire la paix avec leur histoire, leur rupture. Elle a tout de suite dû aller mieux, brush it off, sourire à Morgan comme s'il n'était rien de plus que l'ami de Gus, sourire à Gus en écoutant leurs histoires. Elle n'a pas tardé à se convaincre qu'elle allait mieux, sans doute est-elle trop entraînée, si bien que son propre reflet dans la glace lui renvoie une impression de force, une aura de confiance, et un air parfaitement détaché, qu'elle ne remet pas en question, enfouissant le moindre doute – pas qu'elle ait véritablement le choix. De toutes manières, elle n'est pas sentimentale, pas portée sur les conversations à cœur ouvert (les conversations tout court, selon l'interlocuteur), elle s'en sort toujours, d'une manière ou d'une autre, et enterrer ce qui dérange est à peu près le seul coping mechanism auquel elle veuille bien s'essayer. Cela fonctionne, en un sens, elle finit par passer à autre chose, le prochain souci, la prochaine crise, un nouveau casse-tête à résoudre, un coup impossible à tenter. Elle s'arrête pas, Moïra, ne se laisse pas le temps de ressentir, de souffrir, de digérer, et c'est probablement l'unique raison pour laquelle elle ne s'est pas encore effondrée sous le poids des préoccupations. « Fais pas cette tête, Morgan, j'opposerais pas de résistance. » Elle s'est redressée, le regard levé au ciel accrochant le plafond sale et un soupir imperceptible mourant sur ses lèvres. Elle le connaît, elle aussi. Il ne lui fera pas de cadeau, quoi qu'il se soit passé entre eux, ou peut-être justement à cause de cela, et l'interrogation passe une seconde dans son esprit, elle se demande s'il a peiné à tourner la page, s'il a comme elle souhaité pouvoir en reparler, si... le visage d'Amalia s'impose à elle, met fin à ses réflexions dans un grincement de dents. « Well, qu'est-ce que tu ne sais pas déjà, et qu'est-ce que tu cherches ? » Elle hausse les épaules et se cale contre le dossier de son siège, porte le café à ses lèvres et prend son temps avant de préciser: « Parce que je peux te faire le topo des cinq dernières années mais faut voir, t'as combien de mois devant toi ? » Voilà qui donne le ton, et contredit la soit-disant absence de résistance tant promise, aussi bien par son supérieur que par elle. Quelle genre de flic ferait-elle, si elle ne tenait pas tête aux fédéraux ? Et puis, quel genre de Coghlan.