where our ends meet -- ryder.

Tu coures, sans t'arrêter. Le souffle au bord des lèvres, les jambes qui se contractent. Fine couche de sueur sur ta peau, et tu ne ralentis pas. La musique dans tes oreilles, et rien d'autre à penser, sinon avancer. Tu ne vas pas courir tellement souvent, faut l'avouer ; tu t'entraînes suffisamment avec ton boulot, mais aujourd'hui la température était trop belle pour être ignorée. Alors tu t'es laissée tenter, alors que soleil déclinait à l'horizon. Maintenant, t'es de retour chez toi, le souffle encore un peu court, et la douche qui te rafraîchit. Quand tu en ressors, on dirait que tu pourrais affronter le monde. Tu te dis que tu vas te préparer un sandwich, et alors que tu sors le pain du frigo, ça cogne à la porte. Tu attends pas de visiteurs, et tu sais que ta coloc non plus ; elle est pas là, après tout. Tu sais pas pourquoi, mais ça te fait un noeud dans l'estomac. Pas un immeuble où on s'égare, même si la porte d'avant était ouverte à tout le monde qui aurait bien envie d'y entrer. Tu te diriges vers la porte, les cheveux encore mouillés, les vêtements d'intérieur, pas très présentable. Tant pis. Quand tu ouvres la porte, t'es un peu surprise du visage qui se trouve de l'autre côté. Les cheveux sombres, les yeux perçants. Le gars du FBI, que tu avais croisé l'autre soir au club. Qu'est-ce qu'il fait chez toi ?

Tu bafouilles légèrement, le regardant avec des grands yeux. « Je-je peux vous aider ? » Tu oses croire à un hasard, même si c'est probablement pas du tout le cas. Il était venu poser des questions sur un ancien barman, qui semblait être impliqué dans un meurtre, entre autres choses. Pas que tu en savais quoi que ce soit. « Désolé, j'attendais personne. » Que tu marmonnes légèrement, mais tu lui ouvres la porte un peu plus grande. « Vous voulez entrer ? » Tu sais pas trop comment te comporter. Un agent fédéral, rien de moins ; et même si tu étais pas du tout du genre gênée, y'a quelque chose chez lui qui t'intimidait. Son regard, sa prestance. Ou peut-être que c'était juste le badge, qui sait.

[ @ryder lynch ]

Les feuilles s'écornent sous ses doigts, s'agitent dans ses soupirs. Il les a regardés mille fois, il en connaît chaque mot, chaque secret, chaque détail. Et pourtant. L'enquête est bien plus large qu'il ne l'avait imaginée. Il sait qu'il devra demander de l'aide – et il déteste ça, Ryder. Parce qu'il est trop fier, trop borné, et qu'il a déjà résolu pire de lui-même. Pourtant, ici, rien ne colle, rien ne sort, et la frustration le fait hésiter à démolir le mur – ou n'importe quoi qui se trouve à proximité. D'un geste rapide, il sort les photos qu'il a prises quelques semaines auparavant. Des visages troubles, des regards concentrés, des morceaux de silhouettes, de mains, des détails qu'il avait cru importants. Des chemins courts, à l'extrémité coupée. Rien. Rien du tout. Il s'est déplacé jusqu'au club, pourtant, dans le secret le plus total, avait posé des questions, évitant le reste, les (trop) jeunes femmes en tenue légères, les hommes bedonnants qui écartaient les genoux, regards pervers qui lui donnaient envie de vomir. Et il l'avait vue elle, les cheveux noirs, un regard calme, confiant. Alors il l'avait abordée, sans détour, elle n'avait pas fui lorsqu'il avait tiré sur le pan de son manteau pour qu'elle voit sa plaque, un excès de confiance, peut-être, mais elle n'avait pas cillé, alors il l'avait interrogée, quelques minutes, avant qu'on ne remarque que Ryder n'avait pas sa place ici, avec son manteau long et sa cravate trop serrée. On l'avait hélée, elle, une voix intimidante, presque menaçante, lui réclamant une attention plus soutenue aux clients dont Ryder ne faisait pas partie. Avant qu'elle ne tourne les talons, il lui avait demandé son nom. Citra. Il avait compris que ça n'était qu'un pseudo. Mais peu lui importait. Il avait fait demi-tour sous les regards suspicieux, avait lui-même jeté un regard en arrière, alors que Citra s'attardait près d'un homme trop vieux pour elle, et son ventre s'était retourné. Si jeune.
Ryder grogne au-dessus de ses notes. Depuis sa visite au club, il n'a rien. Le néant, car ses gens-là savent se planquer, savent éviter les fédéraux. Les faire tomber en une fois serait bien trop facile. Mais les jeux sont insupportables aujourd'hui. Un post-it glisse d'entre deux feuilles. Citra, écrit en noir. Le souvenir se rappelle à lui. Brune, fine, pas très grande. Elle n'a pas pu lui donner trop d'informations, son patron l'a jetée aux loups avant qu'elle ne puisse parler. Et au dos du papier, son nom, le vrai, et son adresse. Trouvés si facilement qu'il s'inquiétait de la sécurité de ces jeunes femmes. Ryder se redresse, si rapidement que le souffle fait s'envoler le dossier entier, il râle, encore, et se dit qu'il n'aura qu'à ranger en rentrant. L'immeuble est minable, il s'en rend compte avant même d'y arriver. Les marches craquent sous ses pieds, et il se demande si quelqu'un est déjà passé au travers. Il frappe, la porte s'ouvre, et elle apparaît, cheveux humides, traits fatigués, et regard un peu inquiété. - Eugenia Lopez ? Il s'arrête une seconde, réalise qu'elle pense son identité secrète, alors il ajoute : - Citra, c'est ça ? Il reste sur le pallier. Il n'est pas là pour la pousser dans ses retranchements. - Ryder Lynch, il annonce en levant discrètement son badge. - On s'est vus au club il y a quelques temps. J'ai quelques questions à vous poser, si vous permettez. Il lui offre un sourire qu'il veut rassurant, se rend compte que sa carrure imposante reste intimidante, et courbe l'échine pour se rendre moins sérieux, pour la mettre en confiance, d'une façon ou d'une autre. Elle lui offre d'entrer, il hoche la tête et passe la porte. L'appartement est tel qu'il l'imaginait. Petit, aux murs fissurés, et à l'odeur d'humidité. Il reste dans l'entrée, les mains dans les poches. - Vous allez bien ? Il cligne des yeux, fait un tour d'horizon de l'espace. - Je ne veux surtout pas paraître indiscret. C'est seulement que la dernière fois, au club, le patron a été un peu brusque, avec vous. Puis il y a eu le reste. Les yeux sales des hommes, billets en main, prêts à dépenser une fortune pour une caresse. Il se retient de vomir, là encore. - Je ne veux surtout pas vous ennuyer. Je peux repasser plus tard. Il lui sourit à nouveau, retire son manteau, se dit que ça la mettrait plus à l'aise. - Joli appartement. La remarque est ironique, mais pas malveillante. C'est seulement qu'il se dit qu'elle a une vie difficile. Et que c'est dur à regarder.

« Eugenia Lopez ? Citra, c'est ça ? » Ton souffle coupé dans ta gorge. Il sait qui tu es - il le sait parfaitement. Ton identité secrète, ta vraie identité. Aux prises entre Eugenia et Citra, toujours, constamment - parfois à en oublier où poser les pieds. Ça te déstabilise, l'espace d'un instant, alors tu ne peux qu'acquiescer lorsqu'il te pose la question. C'est toi, c'est bien toi. Et tu as peur d'avoir fait une connerie, ou que ta vie se termine à nouveau d'une manière ou d'une autre, qu'ouvrir cette porte ait signé la fin de quelque chose. Le coeur serré, le souffle un peu abrupt - mais l'homme te sourit, finalement. Tu vois soudainement à quel point y'a quelque chose de doux, dans son regard. « Ryder Lynch. On s'est vus au club il y a quelques temps. J'ai quelques questions à vous poser, si vous permettez. » Le badge levé, et tu acquiesces à nouveau. Un peu sans voix, en ne sachant pas trop comment te comporter. « B-bien sûr. » Peut-être que ce n'est pas toi, peut-être qu'il a juste des questions à propos de la même histoire. Inévitable que tu y sois entraînée, ce type tu avais appris à le connaître, malgré tout. Alors tu laisses l'homme entrer dans ce petit appartement dont tu as tellement honte. Tu peux pas cracher dessus, tu le sais. Au moins, t'as un toit sur la tête. Sans doute pas celui que tu rêverait, mais tu l'as tout de même. « Vous allez bien ? » T'es un peu surprise par la question, refermant la porte derrière lui, jouant avec tes doigts d'un air nerveux. « Oui, merci. » Ça pourrait aller mieux, c'est sûr - mais tout compte fait, tu passais pas une si mauvaise journée. Et alors que le silence tombe un peu, tu sais pas trop si tu devrais lui proposer de s'assoir, de boire un truc. Il te devance, cependant. « Je ne veux surtout pas paraître indiscret. C'est seulement que la dernière fois, au club, le patron a été un peu brusque, avec vous. » Tu relèves des grands yeux vers lui. Brusque. C'était pas faux. Tu hausses les épaules. « Oh, je... C'est... » Mais les mots te manquent. Rien que tu étais pas habituée de subir.

« Je ne veux surtout pas vous ennuyer. Je peux repasser plus tard. » Tu secoues la tête. « Non, non, y'a pas de problème. Vous pouvez vous assoir, si vous voulez. » Tu désignes le canapé, un peu sale, un peu minable, mais ça faisait l'affaire. « Joli appartement. » C'est pas médisant, et tu peux pas t'empêcher de sourire un peu. « N'est-ce pas ? Et le loyer est vraiment pas cher, c'est une vraie aubaine. » Tu sais pas trop comment t'arrives à faire une blague alors que t'as presque le vertige d'être nerveuse, mais on dirait que ça t'aide à te détendre. « Vous voulez quelque chose à boire ? J'ai pas grand-chose, mais... J'ai du café, ou du thé, ou je sais pas. » Sourire un peu timide, alors que tu hausses les épaules. « Et c'était rien, l'autre soir. Je veux dire... je veux pas causer d'ennuis à personne. J'crois qu'il était juste un peu remonté. Il aime pas quand on s'occupe pas des clients. » Tu sais pas pourquoi tu essaie de lui trouver des excuses. Mais c'était pas le pire boss que tu avais eu dans ta vie, c'est certain. « Vous avez des questions, alors ? À propos de Bobby ? » Le type, le barman. Celui que tu connaissais, et qui avait des ennuis. Ta gorge sèche, mais le coeur un peu moins serré. Ryder, qu'il s'appelle.
Ryder aux yeux doux.

[ @ryder lynch ]