Les retrouvailles - Warhéo

C’est pas dans ses habitudes de trainer dans ce genre de quartier. En fait dans ce quartier tout simplement. A cause de son affiliation aux sp, mais il prend sur lui. Il doit voir quelqu’un. Il a entendu parler de son retour en ville depuis un moment, il n’avait pas trouvé le temps avant de vérifier par lui-même. Sûrement à cause de l’endroit où est son boulot. Matthéo se pose des questions. Beaucoup trop. Mais il se dit simplement que ça ne peut pas être vrai, il se rappelle du gamin qui avait essayé de le sauver. Il se rappelle du gamin qui avait essayé de le pousser dans ses études pour réussir sa vie. Mais le gamin n’a pas réussi au vu de ce que peut être la vie de Théo depuis quelques années. Sauf que ça lui convient dans le fond. Matthéo sait depuis son enfance qu’il n’aura jamais la vie parfaite, il n’aura jamais une maison avec une femme et des enfants. Ce genre de cliché de la vie de monsieur tout le monde parce qu’il n’est pas comme monsieur tout le monde. Il y a eu un gros défaut à conception. On a été capable de lui mettre une surdose de violence. Une surdose de mec anormal, en marge de la société et qui est obligé d’avoir une double identité pour réussir à vivre correctement. Maintenant le brésilien est habitué à tout ça. C’est devenu beaucoup plus simple avec le temps, presque trop. Plus de masque. Juste lui comme il est. Avec ses défauts de fabrication. Ses défauts et ses vices. Le brun tire une dernière fois sur sa clope avant de le jeter sur le sol pour l’écraser du bout d’sa chaussure. L’homme prend son temps, craque son cou avant de soupire une énième fois. Il passe sa main sur son visage doucement puis de pousser la porte du restaurant pour rentrer dedans. Il sonde l’endroit à la recherche d’un homme bien précis, il n’a pas totalement changé, non ? Il doit avoir la même tête que quand le brun a été le voir en taule, forcément. Le barman avance vers c’qui doit être une serveuse pour prendre la parole rapidement. Bonjour, est-ce que Warren est là s’il vous plait ? Il ne doit pas y en avoir des millions après tout. Puis beaucoup plus polie qu'il ne l'est habituellement, mais il n'est pas à sa place. Jamais.

@warren locascio

les retrouvailles
théo & warren

≈ If you ever find yourself stuck in the middle of the sea,
I'll sail the world to find you
If you ever find yourself lost in the dark and you can't see,
I'll be the light to guide you
Find out what we're made of
When we are called to help our friends in need.

Clope au bec, le pied contre le mur impeccable de la façade du restaurant où je ne pourrais sans doute jamais commander autre chose qu’un verre d’eau du robinet, je fixe sans doute un peu trop les passants. Mauvais genre, mauvaise graine qui n’a pas sa place dans un tel quartier, dans un tel endroit. Lynch avait raison, j’aurais du y rester, en prison. Ou alors, rester bien dans les cuisines, et n’en ressortir qu’une fois le service terminé. Finalement, peut-être que c’était mieux, la prison. Emprisonné dans ce boulot qui n’avait pas de sens, il y avait toujours ces jours-là où plus rien n’avait de goût. Tout était pâle. A moins que le soleil de Géorgie ne me manque, pour le peu que j’arrivais à voir. Mais c’est la cendre qui finit par me brûler les lèvres à force de trop tirer sur la cigarette et que mes pensées s’envolent. Pause terminée, promenade finie, je reviens dans le restaurant les mains dans les poches et le regard vide. Un écho familier fait vibrer la salle encore vide. Cette voix, l’électricité redresse mon échine. Droit, presque crispé, et soudainement nerveux, tous les sentiments se précipitent et le seul qui déforme mes traits est l’anxiété. Je déglutis, cherche quelque chose sans savoir quoi. Une clope, il me faut une clope. Mais je viens d’en fumer une. Il en faut encore. Non, oui. Trop tard. « Il est.. Ah Warren, on t’cherche. » Je plisse les yeux, passe une main dans mon cuir chevelu. L’animal sorti de sa cage ne sait plus comment être. Théo, il n’avait pas réellement changé. Toujours ce même regard, peut-être assombri par la taule. Les traits un peu plus marqués aussi, peut-être l’alcool. Face aux yeux curieux, je lui fais un signe de tête indiquant la porte dérobée vers la sortie. Sans un mot, sans autre geste, j’ouvre la porte brusquement, à croire que l’air me manquait. La porte claque lentement, la ruelle est déserte. Planté face à lui, c’est finalement le vieux Warren qui remonte à la surface. Maladroite, un peu trop appuyée, l’étreinte se transforme en clé de bras malgré moi. Plus que mille mots pour ceux dont je n’ai pas su le préserver. Pardon, Théo, de t’avoir lâché. Au lieu de paroles mesurées, il n’y a qu’un lourd soupir de soulagement. De le revoir. « C’est cool d’te revoir. » Je tire une clope du paquet avec ma bouche. « J’veux dire, sans vitre. » Ma mâchoire se serre, sans rien de plus intelligent à sortir.

La curiosité n’est jamais une bonne chose, le brun le sait et pourtant ça le pousse à venir jusque dans ce quartier qu’il ne porte pas dans son cœur. En soit, il n’a rien contre l’endroit, mais il a des principes. Il y a des règles plus fortes que tout qu’il doit respecter. Il hésite. Se demande rapidement si c’est une bonne idée et pourtant il pousse la porte rentre dans ce restaurant. Il n’y a jamais eu de preuve contre lui, des preuves le reliant aux SP alors il doute qu’on puisse le reconnaître dans ce restaurant. Au pire, il pourra toujours dire que c’est un mensonge, son tatouage caché par les couches de vêtements qu’il porte. Il a pris ses précautions après tout, il n’est pas non plus débile pour se lancer dans la gueule du loup aussi facilement. Il cherche l’homme du regard, ne le trouve pas et Warren n’aurait pas tant changer, non ? Matthéo sait que la prison change une personne, mais pas à ce point. Il refuse de le croire. Alors il arrête quelqu’un pour lui demander de l’aide avant que justement l’homme qu’il cherche ne débarque dans votre champ de vision à cette serveuse et à lui. Le regard glisse de haut en bas, comme il l’avait prévu, il n’y a pas tant de changement que ça. L’homme reste toujours le même, peut-être moins frêle que durant votre enfance, mais le même qu’il a été capable de voir dans cette prison. Il se rappelle de cette journée, il se rappelle de l’attitude de Warren pour qu’il ne revienne plus jamais le voir. Chose qu’il a été capable de faire Matthéo, il n’est pas du genre à s’imposer surtout quand on ne veut pas de lui. Il le suit sans aucun mot, pas besoin de dire quoi que ce soit, les signes suffisent pour vous comprendre. Les deux corps retrouvent l’extérieur, il reprend une respiration, il n’avait pas remarqué qu’il avait arrêté pendant quelques instants. L’étreinte est plus que maladroite, ça lui arrache presque une grimace qu’il retient juste en tapant le dos de l’homme avec sa main. Les choses sont étranges. Presque anormales. Irréelles. Comme un rêve dans lequel il serait, mais il peut bien se pincer, il sait qu’il s’agit de son monde. De sa réalité. Ouais, c’est cool que tu me repousses pas cette fois. Est-ce qu’il est le meilleur pour juger ? Non pourtant le commentaire sort quand même. Alors t’es sortie depuis longtemps ? Les pieds qui se balancent incapable de réellement rester sur place. Est-ce qu’il doit le placer dans la catégorie des ennemies au vu de l’endroit où il bosse ? Ou alors est-ce qu’il a réussi à vivre loin de ces conneries ?